Chapitre V : UNE NOUVELLE LUNE

Vous prendrez le temps dont vous aurez besoin, ne vous en faites pas, dit-elle calmement. Mes compagnons veilleront à la porte pendant que nous rassemblerons vos enfants et la nourriture que vous voudrez emporter.

De nouveau, elle regarde l'homme et le bébé qui a le hoquet; elle sent qu'il se retient de poser des questions et tente de dissimuler son inquiétude. Par respect pour lui, elle laisse le silence continuer et se tourne vers son passé... Tant de souvenirs lui collent à la peau, tant de larmes et de souffrance dans sa courte vie... Même ceux de son ordre lui semblent loin, si loin...

Elle respire à plein poumon l'air du soir qui tombe, le villages'éloigne au rythme de leurs pas et les bruits de la nature accompagnent leur déplacement... parfois, Karantez se rapproche pour une caresse, sa façon à lui de rappeler à sa maîtresse qu'elle est encore dans le monde des vivants, que le pire n'est pas encore arrivé et qu'ils ont encore toutes leurs chances.

Son regard se pose tout autour d'eux, fouillant chaque buisson et chaque détour mais elle sait qu'il est encore trop tôt.... Les portes sont ouvertes mais ils ne se sont pas encore transformés, elle sait que tout se jouera plus tard dans la nuit.

Si je puis me permettre un conseil, présenter le fait d'aller à l'auberge comme une fête... Ils n'ont pas besoin de savoir ce qu'il risque d'arriver, dit-elle en posant son regard sur l'homme. Faîtes de ce séjour un plaisir, ils auront bien le temps de réaliser ce qu'il se passe si la mort s'invite dans l'auberge.... L'innocence dure si peu....

En même temps qu'elle prononce ces mots, le visage d'une fillette lui revient en mémoire... Elle entend de nouveau sa si petite voix... Sa main se crispe sur le pommeau de son épée à ce souvenir, son regret de n'avoir pas pu la protéger réveille la souffrance qu'elle porte en elle. Serrant les dents, elle secoue la tête et reporte son regard sur l'homme.


N'hésitez pas à poser des questions si vous en éprouvez le besoin, il n'y aura rien d'indiscret, ne vous en faîtes pas. Apprendre et comprendre ne sont pas des défauts, vous savez dit-elle en esquissant un sourire. Et je sais que je suis un bien curieux équipage avec mes 3 loups.

Caressant la tête de Karantez en poursuivant leur marche, elle écoute la voix de l'homme près d'elle. Elle y sent de la peur mais pas pour lui, non, mais pour ses enfants qui sont sa seule préoccupation réelle.

J'ai lu quelques livres, en effet... mais pas seulement... Dit-elle en posant les yeux sur lui et son bébé. J'ai parcouru d'autres routes qui m'ont menées vers d'autres villages qui ont connus aussi cette malédiction. Ces êtres bougent et ne restent jamais longtemps dans un village... Ou ils meurent ou ils le déciment....

Elle ne le quitte pas des yeux, sachant que ses paroles ne vont pas le rassurer; mais elle ne sait pas mentir... Et puis à quoi bon travestir la vérité qu'il va découvrir au fil des heures... Elle a apprit toute jeune à affronter les choses de la vie, bonnes ou mauvaises; personne ne lui a épargné la vérité; alors, même si elle le regrette parfois, elle agit de même avec les autres.

Je ne pense pas que votre village soit plus maudit qu'un autre... Juste qu'il se trouve sur leur route, rien de plus.... poursuit-elle doucement. Ils sont mi-humain et mi-animal, ils ont besoin de vivre avec des humains parce qu'ils sont eux mais ne peuvent contrôler leur côté animal... Ce sont des bêtes sanguinaires et immondes, sans commune mesure avec un véritable animal, mais ils peuvent être également les plus gentils des humains quand la lune ne les commande plus...

Tout en parlant, elle revoit des images passer devant ses yeux et entend d'autres voix. Oublier lui est impossible, même si elle donnerait tout pour ça; tout est gravé en elle à jamais comme si elle était dépositaire de toutes ses vies et ses souffrances....

Essayez de ne pas trop y penser avant que nous ne soyons de retour à l'auberge et parlez-moi de vous et de vos enfants, dit-elle en souriant discrètement. Vous me semblez tenir le rôle de père et celui de mère en même temps, non?

La religieuse avait regardé la Place se vider. Après tout, elle n'était qu'un observateur, elle m'avait pas à s'impliquer dans les évènements présents et à venir; elle était protégée de l'attaque des LOUPS, du moins elle l'espérait... Qu'importe après tout! La réponse viendrait bien assez vite...

Une fois la Place redevenue silencieuse, elle rejoignit l'Auberge ou s'était groupé la plupart des villageois et personnes de passage pour annoncer les résultats. Elle parcouru une dernière fois le morceau de Velin sur lequel elle avait comptabilisé les voix - Ce qui fut assez rapide, le village ne comptant que qqs âmes - avant d'annoncer :
Dans votre choix de représentant, nous avons une égalité parfaite entre... Euh... Alazaïs recherchait les noms des candidats sur le document qu'elle tenait à la main Sylph et la femme aux loups : Wargirl. Qqun veux changer son vote?
Elle n'aimait pas cette pratique, mais le temps manquait pour débattre et voter à nouveau^^

Je veux bien changer si ça peut vous arranger ! Au lieu de voter pour moi (^^), je vote pour Wargirl. Vive les femmes au pouvoir !

Elle écoute en silence cet homme lui résumer sa vie avec ses bonheurs et ses malheurs... Une vie qui peut sembler banale aux autres mais que parfois elle aimerait vivre aussi... Retenant un soupir d'envie, elle regarde la chaumière qui apparaît peu à peu au détour du chemin, la lumière semble si réconfortante...

J'ai toujours vécu au milieu des loups, dit-elle d'une voix qu'elle espère calme. Ma famille avait un serment à tenir envers un membre d'un ordre.... Quand j'ai été capable de marcher, ils m'ont confier à cet homme qui m'a élevé et enseigner tout ce que je sais....

Baissant les yeux, elle revoit le visage de son maître et sa main tremble légèrement sur la tête de son loup qui lève un regard vers elle. Son passé remonte peu à peu et elle laisse les mots sortir de ses lèvres lentement.

Mon maître m' appris l'art de la guerre et à servir tout ceux que je croiserai sur ma route et qui auraient besoin d'aide, poursuit-elle. Votre vie m'est à jamais interdite, seuls mes loups font partis de ma vie... C'est ainsi que je parcours les route depuis plus de 10 ans aujourd'hui; mes loups sont des rencontres de hasard... Ils m'ont choisit et restent près de moi....

Elle pose un regard triste sur son compagnon de marche et sur le bébé, enviant en secret cette vie qu'on lui a interdit de connaître et qui parfois lui manque quand la nuit est froide et qu'elle ne peut dormir que dans un fossé...

Vos enfants ont beaucoup de chance d'avoir un père comme vous, poursuit-elle avec un sourire, vous portez la bonté et la chaleur sur votre visage... Avec vous, ils grandiront dans l'honneur et l'amour...

Les loups se resserrent autour d'elle au fur et à mesure que la maison devient plus proche; ils savent d'instinct qu'ils doivent se montrer discret pour ne pas effrayer les hommes et, les oreilles dressées, ils regardent l'attitude de leur maîtresse, calquant leur attitude sur la sienne sans omettre leur surveillance des alentours.

Dites-moi si vous désirez que j'entre avec vous dans votre demeure et ce que vous désirez que mes loups fassent quand nous serons à votre porte. Nous pouvons nous dissimuler et vous escorter sans être vu de vos enfants si tel est votre désir.

Elle attend la réponse de l'homme en pensant à son propre passé. Pour une fois, elle a parlé un peu d'elle-même sans que sa voix ne la trahisse... Elle a caché sa souffrance en évoquant son maître... Pourtant elle sait au fond d'elle que rien n'a changé; son coeur bat toujours pour lui, même si son ordre lui interdit ce sentiment... Elle a faillit en les montrant et depuis, elle erre sur les routes, sans retour possible auprès de lui.... Une chevalier dragon ne doit pas aimer ni connaître l'amour... Tel est le prix à payer pour en faire parti; un ordre de femme, régit par les hommes où l'amour est signe de mort...

Elle patiente près de la porte avec ses compagnons comme le lui a dit l'homme, son regard se porte vers le ciel qui fait de plus en plus place à la nuit; ses loups se couchent à ses pieds, restant attentifs au moindre bruit et au moindre de ses mouvements.

La porte s'ouvre quelques temps plus tard sur l'homme accompagné d'enfant, elle s'incline devant le salut du plus grand qui ressemble à son père malgré son air encore enfantin puis fronce les sourcils en le voyant partir vers des champs... Elle sait que le danger ne viendra que plus tard mais elle est sur ses gardes et siffle doucement en regardant le plus jeune de ses loups. A son signal, il se lève et emboîte le pas de l'adolescent sans faire le moindre bruit, les oreilles dressées et le nez au vent, humant l'air attentivement.

Reportant le regard vers l'homme, elle observe les deux enfants qu'il porte. A le voir ainsi chargé, on se demande comment il peut faire face à une famille si nombreuse seul... Chaque enfant lui ressemble plus ou moins, mais elle peut deviner le visage de leur mère aux différences qu'il y a entre eux. Un sourire flotte sur ses lèvres en essayant de s'imaginer chargé d'un tel fardeau...

Vous avez de beaux enfants, dit-elle en souriant. Votre épouse était belle, on le voit en eux... Je vais porter vos provisions, le chemin du retour sera ainsi moins pénible pour vous et vos enfants.

Reportant son regard dans la direction où sont partis l'adolescent et son loup, elle scrute les environs d'un oeil habitué à ce genre d'exercice. Tout se fait par habitude et son esprit se vide pour un moment de tout ce qu'elle veut oublier, un moment de paix et de repos pour elle qui en connait si peu.

Thiercy errait dans les rues depuis une bonne demi-heure ; à moins que ce ne soit depuis deux heures...Il s’était attardé à l’auberge pour écouter de façon très indiscrète les conversations des autres, ce qui était son pêché mignon, surtout en temps d’inquiétude générale. Il était ressorti à la tombée de la nuit, car selon son estomac, il était temps de retrouver Guy ; et était parti à la recherche de la maison de Guy. Il n’arrivait pas à se rappeler du chemin. Il fallait prendre la grande rue, ça c’était sûr. Mais à l’intersection, fallait-il aller à gauche ou à droite ? Il avait opté pour la gauche, et à partir de là la ville s’était transformée en labyrinthe. Il eût vite fait de reconnaître qu’il s’était trompé, mais rebrousser chemin sans se tromper de nouveau était une autre paire de manches. Il avait donc demandé son chemin à une vieille dame qui balayait devant sa porte. Mais celle-ci n’avait pas dû comprendre sa question, car en suivant ses instructions, il arriva devant un cabinet de voyance.
Il continuait d’errer et s’était à présent engagé dans une partie plus escarpée de la ville, et la route surplombait l’avenue principale. Thiercy reconnut cette route. Seulement, comment la rejoindre ? Il la voyait, au dessous de la route où il était. Mais il aurait été bien en peine de la rejoindre, cette ville étant un véritable labyrinthe.

-Et puis zut ! Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Il prit son élan, se mit en équilibre sur le rempart de la route, élégant (le rempart, ahem), pris son élan, et sauta d’un seul coup, comme on plonge dans l’eau.
La sensation de la chute dans l’air était bizarre. Il aurait cru que l’air c’était doux comme le vent, pourtant, s’il avait dû le décrire, il aurait plutôt dit que c’était dur comme la pierre. Ah oui, évidemment. Il était étendue sur la route de pierre, couvert d’égratignure, la chute n’avait pas été longue, et le choc n’avait pas été doux. Soudain, il vit son frère apparaître, suivi de plusieurs autres personnes qu’il ne reconnaissait pas. Étaient-ce des nains ?

Son frère accourut vers lui, et le réprimanda, comme il faisait toujours

-Mais à quoi joues-tu ? Tu voulais te briser le coup ? Regardes-moi ça ! Tu saignes en plus ! Viens vite, il faut te soigner !

Guy progressait aussi vite qu'il le pouvait, suivi de ses enfants ainsi que de la femme et de ses loups. Il poussa soudainement un cri quand il vit quelque chose arriver du ciel et tomber quelques mètres devant lui. C'était son jumeau Thiercy qui avait manifestement sauté par-dessus le rempart de la rue au-dessus pour les rejoindre. Apeuré, Guy accouru aider son frère à se relever.


Mais à quoi joues-tu ? Tu voulais te briser le cou ? Regardes-moi ça ! Tu saignes en plus ! Viens vite, il faut te soigner ! Retournons vite à l'auberge, je crois que Migéon sait faire des tisanes pour guérir les blessures que tu t'es faite

Guy se tourna, ses enfants et le femme aux loups les fixaient d'un air interrogateur. Guy leur adressa un sourire


Les enfants, voici votre oncle Thiercy, le jumeau de papa. Lui aussi arrive à Montpezat. Je suis sûr que vous vous entendrez bien. Je pense qu'il nous cherchait et qu'il a voulu nous rejoindre comme il le pouvait. Allons vite à l'auberge voir si quelqu'un peut l'aider.

Puis Guy se tourna vers son frère

Eh bien, que t'as-t-il prit de partir de l'auberge seul alors que la nuit va tomber ? murmura Guy d'un ton mélangé d'agacement et de frayeur, tu aurais pu te perdre !

Elle??? Blanche-Neige????... Elle retient un fou rire nerveux; c'est bien le première fois qu'on la nomme ainsi... Elle ne sait pas si ce sont les effets secondaires du vin de l'auberge ou les conséquence de la chute, mais l'homme semble très perturbé..

Elle s'avance vers lui, le voyant s'effondrer de nouveau sur le sol. En silence, elle l'examine rapidement et ne trouve aucune blessure sérieuse sauf une cheville foulée; un rapide bandage et elle reporte son regard sur celui qu'elle escorte.

Votre frère n'est pas blessé gravement mais nous allons devoir le porter... Son regard se pose sur les enfants et leurs regards soucieux. Allez à l'auberge avec vos enfants, je vais veiller sur lui le temps que vous reveniez et nous l'emporteront ensemble si vous acceptez.

Elle regarde de nouveau l'homme à terre et esquisse un léger sourire... Blanche-Neige....Elle siffle doucement et Buhez et Ael viennent se coucher près de l'homme pour lui donner leur chaleur. Posant un genou à terre, elle observe en silence l'homme évanouit; elle repense à leur échange verbal de l'après-midi, une joute qu'elle avait apprécié sans le montrer... On lui a enseigné à dissimuler ses émotions et ses sentiments, mais là elle baisse un peu ses défenses et détaille cet homme qu'elle finira surement par apprécier...Si Dieu ou Satan, qui sait, lui en laisse le temps...

Alors qu'il était installé contre le comptoir, comme à son habitude, et qu'il attendait que la nuit tombe pour aller s'enfermer à double tour dans sa chambre, Guy arrivait, avec ses huit gosses.
Il ne savait pas trop finalement si l'idée était bonne, après tout, car les enfants risquaient de faire un proie facile. Ils allaient faire du bruit, immanquablement...
Guy s'approcha alors du vieillard et lui murmura de les lui garder un moment, le temps qu'il retourne chercher son frère avec la dame aux loups...

Que ? Quoi ? vous garder vos mioches ???Migéon déglutit. Il y avait peu de choses, à son âge, qui lui faisait peur, mais avoir à charge, ne serait ce que 20 minutes, huit enfants de tous âges...Il fit une moue significative mais Guy, déjà retourné vers la porte et en partance, ne le vit pas...

Il fit alors le tour du comptoir, et soudain, comme pour le narguer, les deux plus petits se mirent à brailler.

L'absence de leur père ? Ou bien il faut les changer ? Grummmphhhh

Un grognement s'échappa alors de sa gorge, et il dit à qui voudrait bien l'entendre :

Que quelqu'un m'aide ! Y a t il une dame qui saurait changer un enfant ?

Se tournant alors vers les gosses :

Qui a faim ? Qui a soif ??

Il aurait dû se taire. Les yeux émerveillés des enfants se tournèrent vers lui, et les mains levés ils se rapprochèrent un peu plus du vieux, se collant presque à ses basques...
Il allait vite être débordé...