Dans le village

Il sort de l'auberge, la gorge nouée.
Que de rencontres aujourd'hui. Des bonnes femmes, des gamines, enfin, une.

Hildegarde, il croit se rappeller. L'est courageuse, la minote. Toutes ont l'air courageuses ici.

La tavernière, peu bavarde. Mais il est sûr qu'elle saurait se battre.

La donzelle avec ses loups..Se demande qui est le plus dangereux, les bêtes, ou elle.

Et elle. Laora. Ensanglantée, physiquement. Moralement. Elle survit à la vie.

Le temps se raffraîchit de plus en plus. Se promène dans les rues. Entre de temps à autres dans les maisons. Elles sont abandonnées, toutes. Comme l'auberge.
Rien à voler, peu d'objet précieux en tout cas. Emplit ses poches de quelques babioles. Les revendra toujours dans un autre village.
Trouve une jolie dague, encore bien aiguisée.
Quelques écus, mais pas la fortune.

Dans sa quête, observe le noir de la nuit. Soupire.

Trouve un lit confortable dans l'une des maisons et se couche, nu.
Dehors, un silence épais, comme il en avait jamais entendu. En ville, toujours un bruit de charette, ou d'animal fouillant les poubelles. En forêt, des bêtes hurlant à la mort, les feuilles qui bruissent.

Mais là, on n'entend que la mort respirer...

Un bruit. Léger, infime. Mais un bruit, l'en est sûr..

Grattements contre la porte. Un loup garou ? non, ils sont pas encore arrivés ici. Pas pour eux, pas encore.

Un loup, un de ceux de Wargirl ? Possible.

Rester sur ses gardes. Attendre. Prendre doucement la dague. Totu doucement. Fouiller sous l'oreiller.
Là, il sent le pommeau. L'attrape. Manche dans le poing serré.
Pas un mouvement. Ne pas faire de bruit.

Encore un bruit. Murmure dans le silence pesant. Les lattes du plancher en vieux bois craquent. Un peu. Faut tendre l'oreille pour l'entendre.

Plus rien. A nouveau, le silence, le noir oppressant.

Même lui, brigand, commence à avoir peur. Sait bien se battre pourtant. COntre les hommes, soldats, ou animaux.

Soudain, a deux doigts de sursauter. Sent une pression sur la couverture, à bas du lit.
Impossible ! Il n'a pas entendu le visiteur s'approcher. l'a l'ouie fine pourtant. mais là, rien...

Serre encore plus sa dague. Jointures blanches, presque à craquer.

Le lit. Un poid sur le lit. Touche sa jambe..

Se pourrait il que ?

Soudain, presque hésitant, se demande si c'est pas une caresse.

Non, elle n'est pas venue. Doit être restée à l'auberge, se faire soigner, ou boire pour oublier..

Mais alors ? Quoi?

La sensation remonte. Attentif. Retient sa respiration à présent. Ne pas se trahir.
La cuisse. Au moment il sent la présence du corps sur son ventre, soudain, violemment, dirige la dague vers le poids.

Un terrible feulement se fait entendre. Suivi d'un miaulement rauque, agonisant.
La bête est par terre. Inanimée déjà, gisant dans une marre de sang.

L'instinct. Il l'a pas loupé, trouvé la gorge direct.

Se lève, enfile chemise et cape, cherche dans la pièce la torche. la rallume.

Voit le chat noir. Gros. Un gros chat noir...

Soupire. Vient de tuer un pauvre chat. La vermine, l'a pas volé ! Ca donne des maladies, des puces, la gale, la peste. L'a pas volé.

Un de moins.

Se demande comment un chat a bien pu survivre, tout seul.

Fixe le corps sans vie. Faut jeter ça, avant que les puces quittent l'animal mort.

Chope un tissu, ouvre la fenêtre, et balance le tas dans la rue en contrebas.

Et se couche à nouveau dans le lit. Habillé de sa chemise. Torche allumée. Il respire fort, peut pas se rendormir.

Dans la clarté de la quasi-pleine lune, Laora déambule dans le village désert. Un vent léger souffle, apportant avec lui une fraîcheur qui aiguise ses sens. Elle jette un oeil à la Lune. Elle trône, reine d'argent au milieu d'un ciel sans nuage, constellé. Elle examine les bicoques délabrées alentours, pas un signe de vie. C'est quoi ce bled dans lequel j'suis tombée ? Elle attrape son outre et boit une gorgée d'eau. Elle reste pendant quelques minutes à profiter de la beauté de ce silence. Je me demande où a bien pu passer le Rayann. Comme pour répondre à sa question, une lueur commence à surgir d'une des maisons à quelques pas de là. Laora se dirige d'un pas ferme vers la demeure. Intriguée, elle passe sa main sous son manteau et attrape la poignée de sa dague longue fixée dans le bas de son dos, horizontalement. Elle ressort la lame et s'approche à pas de loups de la porte de la maison. Elle se colle contre le mur, à côté de l'entrée. Elle est légèrement ouverte. Elle jete un oeil à l'intérieur, mais la source de la lueur est masquée par la porte. Elle quitte sa position et se place face à l'entrée. Elle envoie son pied droit en avant contre le bois et ouvre la porte d'un coup sec, avant de pénétrer à l'intérieur.

Ferme les yeux. Repense aux derniers évènements. Son arrivée, l'auberge pleine. L'avait déjà vu des tavernes pleines, mais chantantes pour dire.
Pas baignée dans cette torpeur.
Comprend toujours pas ce qui peut bien leur faire à ce point.

Loups garous..Pffff

L'a jamais cru à ses légendes faites pour faire peur aux enfants. L'en a jamais vu non plus.

Repense au chat. Sa lame qu'il a même pas nettoyée. La dague dans sa main, toujours, qui tache le drap. S'en fout, c'est pas le sien toute façon !

Sourit.

Soudain, un grand fracas. Se relève d'un bond, complètement éveillé à nouveau. Coeur qui bat à cent à l'heure. L'a beau pas y croire, le vieux lui fiche la trouille avec son regard perçant.

Debout, face à la porte. Du moins ce qu'il en reste. Serre encore plus la dague dans sa main, fléchit les jambes. Le temps s'accélère.

Il attends haletant.

Et elle entre.

Elle !

Tellement à cent lieues de s'imaginer qu'elle allait venir.

Qu'est ce que tu veux ? Pourquoi te balader avec insouciance, la nuit, alors que tout le monde se pisse dans les braies ?

Soupir infime. Gorge sèche. La main desserre un peu la dague, mais pas complètement.

Laora ?

Elle se tient debout, droite et fière devant lui. La regarde, l'air interrogateur, mais content d'avoir de la compagnie. Sourit. Ses vieux démons reviennent. Peut être que...

Laora pose le pied sur le plancher grinçant, et tombe nez à nez avec Rayann. Il se tient droit, une dague ensanglantée dans la main. Elle jette un oeil rapide aux alentours et voit le cadavre du chat.

Laora ?

Sourire en coin. Elle range sa dague dans son fourreau et pointe le félin du doigt. Si t'as faim, ils doivent avoir un truc à bouffer en taverne. Regarde sa dague et s'inquiète si... Non. Tu ferais bien de ranger ça, tu vas finir par te blesser. Elle retire son manteau et arrache un grand morceau de sa chemise. Elle se baisse et éponge le sang sur le sol. Elle attrape le chat par la queue et sort de la maison. Elle traverse la rue et va jeter le chat à l'intérieur d'une maison vide, avant de frotter grossièrement la porte et les murs du tissu imbibé de sang. Elle laisse le chiffon sur place et se rince les mains avec l'eau de son outre. Elle finit par regagner le squat de Rayann. Voilà, les bestioles iront voir ailleurs. Elle s'installe sur le lit, allongée, mains derrière la tête, jambes croisées. Elle fixe le plafond de chaume à la lumière de la torche et repense un peu aux derniers évènements. La porte est refermée, les volets également, et la petite suffit à peine à réchauffer l'air de la petite pièce. Un léger frisson parcourt Laora, et la chair de poule s'étend sur sa peau. Elle tourne la tête vers lui. Alors l'ours, qu'est-ce qui t'amènes dans ce trou ?

Sourire à sa remarque.

Impertinente...Plisse les yeux, instinctivement. La regarde prendre le cadavre puant et le mettre dans une autre maison, barbouiller les murs...

On dirait qu'elle a déjà vu des loups garous..

Doute...Et si ?

Es tu une louve ??

Il essayait de réfléchir vite, très vite, pendant qu'elle faisait le chemin inverse et revenait.

Respire, renifle, le nez retroussé. Comme il fait dans la forêt. Cherche à la reconnaitre dans sa vraie nature. ça pourrait expliquer aussi les marques sur son dos..

Elle a l'air d'avoir froid. L'a perçut son petit frémissement. Ramasse la couverture par terre, la lui jette sur le corps, sans ménagement.

Et s'assoit sur le lit, dos contre le mur, jambes allongées.

Regarde la bougie.

Alors l'ours, qu'est-ce qui t'amènes dans ce trou ?

Je traverse le pays.
Tout le temps. Suis toujours sur les routes. Je vis de ce que je trouve.

La regarde dans les yeux.

Et de ce que je vole, quitte à tuer.

Laisse un moment de silence, ses yeux toujours vrillés aux siens.

Et toi, tu t'es enfuie y a pas longtemps de chez lui, n'est ce pas ? Tu vas où ?

Rayann lui jette une couverture, sans ménagement, et la regarde dans les yeux. Elle hoche doucement la tête.

Je traverse le pays.
Tout le temps. Suis toujours sur les routes. Je vis de ce que je trouve.Et de ce que je vole, quitte à tuer.
Et toi, tu t'es enfuie y a pas longtemps de chez lui, n'est ce pas ? Tu vas où ?

Il n'arrête pas de tenir son regard. Laora détourne les yeux et fixe le plafond. Non, je l'ai quitté il y a quelques jours. Elle ne sait comment se sentir avec lui. Ils ne sont pas du même monde, mais leurs caractères ne sont pas très différents au final. C'était un petit nobliaux qui avait prit le melon. J'étais capitaine de sa garde rapprochée, et je tolérai de travailler sous ses ordres, même si ceux-ci consistaient à réprimer le mécontement des basses gens par la force. C'était... Marche ou crève avec lui. Il y a moins d'une semaine, notre colonel a trouvé la mort dans une embuscade et j'étais tout naturellement désignée pour lui prendre place. Mais cet enfoiré a posé sa condition : répondre à ses avances, et dès qu'il le souhaitait. Elle esquisse un sourire. Il a juste pris mes galons et mon poing en travers de la tronche. Il a simplement ordonné à ses soldats de me jeter aux fers en attendant mon châtiment. Elle marque une pause de quelques secondes, une boule lui noue la gorge.

Quarante coups de fouets sur la place publique, dont il m'a, selon lui, fait l'honneur de les subir de sa main. Il m'a ensuite laissée sur place, sur les pavés ; et a interdit quiconque de me porter des soins, sous peine de mort. J'ai donc passer la nuit entière sur le parvis, à quelques pas de l'église, à gémir et à le maudir. Au petit matin, lui et un groupe de gardes sont venus pour me remettre aux fers, mais j'avais retrouvé assez de vigueur pour me défendre. J'ai dû engager le combat contre cinq gardes, tous des amis. Encore une pause, elle déglutit. Tous morts. Et lui avec par la même occasion. Les blessures que je porte sont ma puniton pour avoir tué cinq compagnons d'armes. Va pas t'imaginer que c'est par plaisir. Depuis, j'ai pris la route et j'ai marché droit devant. Et me voilà. Elle tourne la tête et retrouve son regard. Sourire en coin. Même pas sûre qu'un loup, garou soit-il, soit une pire saloperie que ce mec. Je survivrai.

Soupire. QUe répondre à ça ?
Rien.
On peut rien dire quand on écoute la violence des hommes. 'fin, en même temps, l'a un peu cherché, à défier un homme, le frapper.
Mais elle est pas comme ça depuis la tite enfance, elle.

Elle guérira. Elle survivra.

J'te conseille de pas te retrouver nez à museau vec une sale êstiole, comme ils disent.
J'sais pas si ça existe vraiment, les loups garous. J'connais que les loups, et c'est déjà pas mal féroce.

S'allonge dans le lit.
Son corps est tout près. Sent la chaleur.
Ferme les yeux, reprend :

Fin bon, évite de me défier. Tu sais pas quelle réaction j'pourrais avoir. J'ai pas de fouet, et j'dirais pas qu'ce sera un honneur.
Mais un home, n'importe lequel, aime pas se faire ridiculiser par une bonne femme.

Sent son regard à elle sur lui. Doit être furieuse après ça. Mais le pense.
C'est pas une donzelle qui va l'frapper.
Lui, un brigand, qui obtient toujorus ce qu'il veut. Ou presque.

Laora se cale un peu plus dans le lit, un peu plus enfouie dans le drap crasseux.
J'te conseille de pas te retrouver nez à museau vec une sale êstiole, comme ils disent.
J'sais pas si ça existe vraiment, les loups garous. J'connais que les loups, et c'est déjà pas mal féroce.
Elle remue la tête, son visage affichant une moue. Les hommes, les animaux, nous sommes tous pareils. Dès que nous sentons la peur, nous nous empressons d'écraser l'apeuré comme un moucheron. Il s'allonge juste à côté. Il dégage une chaleur rassurante. Laora se rapproche un peu plus près pour atténuer le froid mordant.

Fin bon, évite de me défier. Tu sais pas quelle réaction j'pourrais avoir. J'ai pas de fouet, et j'dirais pas qu'ce sera un honneur.
Mais un home, n'importe lequel, aime pas se faire ridiculiser par une bonne femme.

Elle soupire, plonge ses yeux verts dans le sien. Haussement de sourcils. T'auras une réaction de mec. Un sursaut de fierté masculine... Si tu crois que je connais pas... Et non, je ne pourrai pas prévoir ta réaction, mais t'as l'air d'avoir dans les braies ce qu'il faut pour assumer tes propos... Elle soupire et lui tourne le dos. Elle se rapproche encore un peu, jusqu'à ce que son dos soit en contact avec le flanc de Rayann. L'onde de chaleur traverse son corps et apaise les frissons. Elle ferme les yeux. ...Et leurs conséquences.

mais t'as l'air d'avoir dans les braies ce qu'il faut pour assumer tes propos...

Sourit. De toutes ses dents, dans la pénombre.
La bougie vascille. Commence à s'affaiblir. Bientôt le noir total, la lune dehors ne donne presque aucune lueur. Elle sera bientôt ronde, demain peut être, ou encore un jour après. Mais elle est cachée par des nuages pour l'instant.

Repense aux propos d'avant :

Dès que nous sentons la peur, nous nous empressons d'écraser l'apeuré comme un moucheron.

Ouaip. Un dominant, un dominé, toujorus.
On peut dire le contraire, se vanter d'être un galant, n'importe quoi !
C'est la nature. Et elle reprend ses droits, tout l'temps.Soupire encore. L'a jamais autant soupiré. Sort de ses pensées par une sensation. Sur son flanc. Elle l'a senti bouger, mais là.
Elle se colle contre lui.
Il sent aussitôt une réaction. Une autre réaction d'homme, ou d'animal...

Respire. Un peu plus fort. Tente de penser à autre chose. Mais elle se rapproche encore un peu plus. Et là, juste la chemise qu'il porte encore les sépare, et son bustier à elle.

La réaction se fait plus sourde. Le sang afflue dans ses tempes. Et ailleurs...

Il se redresse, d'un bond.

Ote sa chemise. Et se recouche. Se demande furtivement ce qu'il va faire.
De toute façon, une chose est sûre, il s'endormira pas. Pas avec elle qui est là. Tout près.
Respiration encore un peu plus forte. Ferme fort les paupières, comme pour l'effacer.

Se souvient que son dos à elle est criblée de plaies encore fraîches. Pose sa grosse paluche sur sa hanche. Attend de voir si elle va bouger, si elle s'est endormie...

Elle sent qu'il remue à côté. Il respire un peu plus fort. Il finit par poser sa main sur sa hanche. Sourire en coin. Il y a deux choses que tu peux laisser : ta main sur ma hanche, et ta dague au fourreau. Te fais pas d'illusions. Si je reste, c'est uniquement parce qu'on ne laisse pas un homme seul dans une situation potentiellement dangereuse. Bonne nuit l'ours. Elle ferme les yeux et se sent emportée par le sommeil petit à petit.

L'ours...

Sourit, pensif.
Se souvient de tout. De son passé, son enfance. Et sa vie, dans la forêt, sur les chemins, à détrousser les gueuses, et voler les nobliaux.
Finit par s'endormir.

Puis, soudain, aveuglé par le soleil, l'entend une musique lancinante.
Se lève d'un bond.
Regarde par la fenêtre, voit un flûtiste sur la place du village, face à la vielle bâtisse dont il a fait sa maison.

Il parle de loups garous.

C'est pas un hasard. Sont là, ces sales bestiaux ?
Alors, ils existent vraiment ?

Sans ménagement, ayant oublié les plaies de Laora, la secou vivement.

Laora, réveille toi !
Faut descendre sur la place, les villageois se rassemblent.

J'passe au lavoir et j'y vais.
Rejoins moi.

L'enfile ses braies, remet sa cape et sa chemise quittée pendant la nuit, et sort tandis que sa compagne de la nuit commence à peine à sortir la tête des draps...

» L'idiot du Village
» Extention 2 : Le village