Un vent nouveau souffle, Sylph vient à vous.

Des nuages grisâtres couvraient le ciel ce jour-là. Ils semblaient avoir été apportés subitement par un vent du Nord, un de ces vents très forts qui les faisait surgir du jour au lendemain. Mais ce vent n'était pas assez froid. Il avait l'air de provenir du sud, au contraire. Il en avait la douceur. C'était un vent bien étrange qui venait de se lever, ça oui, tout le monde se l'accordait.

Ce même jour, une silhouette entra par la porte Nord du village. Elle portait une grande cape vert émeraude cousue de fils noirs, et une capuche couvrait sa tête. Seuls quelques cheveux châtains en sortaient. On ne voyait pas son visage. En revanche, on pouvait voir clairement que cette cape était bien trop large pour elle, ce qui laissait présager d'une personne assez mince. De taille moyenne, la silhouette donnait une impression de femme fragile, prête à s'évanouir au moindre effort. Son pas était lent, voire lourd, et son regard fixait le lointain. Cette marche semblait très mécanique. Était-ce de la détermination ou une difficulté à exécuter une action pourtant commune ? C'était bien difficile à deviner.

Les rues étaient désertes et la ville paraissait abandonnée. Cependant, près de la porte, on pouvait encore apercevoir trois enfants qui profitaient du vent pour jouer au cerf-volant. Lorsque la jeune femme franchit la porte nord, ils s'arrêtèrent pour la fixer. Comme fascinés, il vinrent vers elle avec la curiosité qui caractérise leur âge. Soudain, l'un d'entre eux s'arrêta et murmura à l'un de ses camarades :

-T'as vu ? Elle a une jolie cape, hein ?

Mais celui-ci, qui était plus âgé, était aussi plus observateur :

-C'est bizarre, avec tout le vent qu'il y a, sa cape devrait voler dans tous les sens...

Il était vrai qu'à la regarder de plus près, aucun vent ne venait perturber les formes de sa cape. Celle-ci restait immobile. Le troisième enfant, n'ayant pas prêté attention à la remarque du précédent, continua sa route vers la jeune femme. La présence de cette dernière, immobile au milieu de ce vent, inspirait la quiétude et la sérénité. Tout à coup, elle s'arrêta dans sa marche, laissant le troisième enfant parvenir à ses côtés mais continuant de fixer le lointain devant elle. Lorsque l'enfant fut rejoint par ses deux compères, elle semblât prendre conscience de leur arrivée et se tourna enfin vers eux :

- Bonjour, lança-t-elle d'une voix maternelle.
-Bonjour, répondirent en chœur les enfants.
-Dis madame, pourquoi ta cape ne vole pas ?, demanda le deuxième enfant, fier de cette question qu'il trouvait pertinente.


A ces mots, les mains de la jeune femme se mirent en mouvement et s'élevèrent en direction de sa capuche. Ses mains étaient frêles et ce fut du bout de ses longs doigts qu'elle se dévoila, laissant apparaitre le visage d'une jeune fille aux traits fins et enfantins. Sa peau était un peu mâte et ses yeux d'un vert aussi profond que celui de sa cape. On ne lui donnait guère plus de 16 ans, même si son comportement laissait présager de quelqu'un de bien plus mature. D'ailleurs, la question paru amuser la jeune femme qui se pencha alors vers l'enfant avant de lui répondre :

-Il y a deux réponses à ta question, celle du savant, et celle du poète, laquelle désires-tu entendre ?

Je veux la réponse du savant! les poètes ont trop tendance à enjoliver les choses et à être détachés de la réalité! ^^

Le premier des enfants, le plus jeune a priori, sembla avoir une demi-seconde de réflexion :

- Je veux celle du poète !, déclara-t-il.

Mais face à cette proposition, le troisième fronça les sourcils et lança :

- Non, celle du savant sera bien plus intéressante!! On pourra faire pareil après !

C'est alors que le second, le plus grand, leva la tête vers cette jeune inconnue en souriant :

- Je crois, dit-il très calme, qu'entendre les deux réponses serait un compromis efficace, comme dirait notre père.
- Moi, je n'ai jamais compris ces histoires de compromis efficace. Papa dit toujours des choses bizarres, souligna le plus jeune.
- C'est parce que tu es trop petit, railla le troisième.
- Tu ne comprends pas forcément toujours mieux toi non plus, trancha l'ainé.

La demoiselle semblait de plus en plus amusée par ces trois enfants, surement frères à en juger par le comportement et la ressemblance physique. Elle les laissa débattre quelques instants de plus, avant de leur adresser de nouveau la parole toujours sur un même ton affectueux et gentil :

- Alors, vous avez décidé ?
- Oui, répondit l'ainé. Il nous faut les deux réponses ! C'est possible ?
- Bien sur que oui ! Si vous n'y voyez aucun inconvénient, je commence toujours par celle du poète.

Les trois frères se regardèrent un instant, comme pour se consulter par la pensée, mais aucun ne semblait s'opposer au dernier point évoquée par la jeune femme. Ils tournèrent alors tous la tête vers leur interlocutrice avec chacun l'air plus attentif que l'autre. La demoiselle s'accroupit à leur niveau. Elle portât un doigt sur ses lèvres en signe de silence comme si elle s'apprêtait à leur confier un secret. Sa voix était désormais proche d'un murmure:

- Voici ce que vous dirait le poète. Retenez le bien, car rares sont ceux qui entendent cette histoire. Et je ne la répète jamais deux fois :

Là-haut dans le ciel, souffle un vent fort et froid,
Capable d'apporter tempête chez tous les rois.
Mais s'il vient à la rencontre de son enfant,
Il devient chaud pour l'enlacer tendrement.

Je suis cette fille, cet enfant bénie du vent,
C'est pourquoi ma cape ne tremble pas un instant.

Les enfants étaient captivés. A la fois inquiets et rassurés, l'ainé et le cadet levèrent la tête vers ce ciel plein de nuages et eurent un frisson. Ces nuages leur inspiraient effectivement le froid, tandis que cette jeune femme semblait enveloppée de chaleur et de douceur. Le deuxième, cependant, ne perdait pas de vu ce qui l'intéressait :

-Et la réponse du savant ?
- Le savant vous expliquerait que je suis la fille d'une sorcière, qui a usé de tout son savoir et de tout son art pour me confectionner cette cape de voyage afin de m'envoyer parcourir le monde pour elle, qui en est désormais incapable. Elle fut réalisée avec un tissu si lourd que le vent aurait du mal à soulever...

Mais alors qu'elle venait de terminer son histoire, elle aperçu du coin de l'œil que quelqu'un approchait. Était-ce l'ancien du village qui venait l'accueillir ? Elle l'espérait fortement car ce village allait traverser une phase bien noire de son histoire, et toute aide était bonne à prendre, même la sienne...